Argelès, le 16 juin 2019,
-- Accusé, levez vous!
Je me dresse.
Le juge entre, suivi de ses greffiers. Le jury arrive à son tour. La délibération, visiblement peu discutée, a été très courte. Le juge prend la parole... Le verdict va tomber.
-- Attendu que: - je le sens gêné, comme s'il avait honte pour moi- Attendu que vous n'avez pas de maison, ce qui, rappelons le, est un gage de stabilité sociale.
Que vous n'êtes fan d'aucune série télévisée ou autres. - puis àvoix basse, comme pour lui: "incroyable ! "
-- Attendu que : dans vos fréquentes incitations à la révolte, vous clamez, haut et fort et à qui veut l'entendre, que, je cite : ''la vie peut être simplement belle''.
-- Attendu que vous ne souffrez pas souvent, pour ne pas dire jamais, de ce ''mal être'' qui nous le savons bien, est le chemin du bonheur assuré, du bonheur de demain bien sûr ! Puis d'un ton moraliste en me regardant dans les yeux : "Imaginez le désordre si nous étions heureux maintenant !"
Puis, toujours moraliste:
-- Permettez moi de vous dire que vous êtes totalement marginal ; vous n'aimez pas le quinoa et vous n'êtes même pas intolérant au gluten, c'est vous dire ! Décidément vous n'avez rien pour vous !
Certains disent même que vous ne buvez pas d'alcool et que vous respectez , lors de vos excursions en automobile, les limitations de vitesse. Ce qui, je vous le rappelle, porte atteinte à la ''sécurité économique de l'état'', et qui est donc, par voie de conséquence, un acte de ''terrorisme aggravé''
La cour vous déclare donc coupable. Coupable de ''bonheur simple et subversif''. Ce qui pourrait inciter ''nos jeunes'' (car ils nous appartiennent) à la débauche.
En vertu des pouvoirs qui me sont conférés, et des articles 1243 bis et 204 du ''Code de la Grisaille et de l'Ennui''... bla... bla... bla ...
Je ne l'entends plus, je pense à mon petit bateau qui m'attend, là bas au mouillage, de l'autre côté de l'océan. Je suis content, je suis content car je sais que je m'évaderai, j'irai le rejoindre et nous partirons encore et encore... Et cette pensée me remplit de bonheur.
MANU M